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Qui a peur du dopage?

Publié par Gilles Goetghebuer, journaliste santé le 05/08/2003 - 00h00
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Pourquoi faut-il lutter contre le dopage et au nom de quel principe peut-on empêcher le sportif de consommer des médicaments pour améliorer ses performances ?

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La lutte contre le dopage est née au milieu des années 60 pour préserver la santé des sportifs. A l'époque, beaucoup de sportifs " se chargeaient " aux amphétamines et, après quelques années de ce régime, les organismes se retrouvaient littéralement épuisés par l'effort. Beaucoup de champions de cette époque sont morts prématurément: Bobet, Anquetil, Coppi, etc. C'est seulement au Jeux olympiques de 1968 que l'on instaura les premiers contrôles. Aujourd'hui, la situation a beaucoup évolué. D'abord parce que de nouvelles substances redoutablement efficaces sont apparues comme l'érythropoïétine, plus connue sous ses initiales d'EPO. Ensuite parce que les tests demeurent incapables de détecter toute une série de produits interdits comme l'hormone de croissance que des sportifs consomment donc en situation de totale impunité. Enfin le sport est devenu une véritable industrie avec des exigences de spectacle toujours plus élevées. Plusieurs voix prônent d'ailleurs un changement de discours. Comme en matière de toxicomanie, elles stigmatisent l'échec de la répression et l'hypocrisie de la situation actuelle avec des institutions sportives chargées de créer l'événement et, en même temps, de faire respecter une réglementation antidopage contraire à leurs intérêts.

Un monde de hors-la-loi

Dans plusieurs pays comme la Belgique ou la France, le dopage est non seulement interdit par les règlements sportifs, mais il est également puni sur le plan pénal. Une répression plus efficace peut alors s'organiser dans un cadre policier. On procède à ses analyses biologiques (sang, cheveux) plus fouillées que le traditionnel contrôle-pipi; on peut également fouiller les bagages ; soumettre les suspects à des interrogatoires, arrêter les pourvoyeurs, démanteler les filières, etc. Ces procédures judiciaires ont permis de soulever de fameux lièvres comme l'Affaire Festina en France ou le dopage dans le football italien. Mais, au de là des péripéties d'instruction, ces dossiers ont surtout révélé des pratiques de tricherie institutionnalisées. Une question se pose alors : ne devrait-on pas renoncer à combattre ce fléau et revenir à la situation qui prévalait au début des années 60, c'est-à-dire celle d'un dopage dépénalisé.

C'est encore loin l'Amérique?

Beaucoup d'observateurs n'hésitent plus désormais à poser ouvertement la question. Mais cette perspective ne possède rien de très réjouissant. D'abord, elle exclurait du sport tous ceux qui persistent à le pratiquer de facon respectueuse de leur santé. Car la personne qui se dope ne laisse pas à ses adversaires le choix de ne pas le faire… L'équité sportive s'en trouverait donc bafouée. Mais on peut également aborder le problème sous son aspect sociologique. Très souvent, les sportifs servent de modèle aux jeunes en quête d'identification. Ils se coiffent comme David Beckham. Ils portent les chaussures de Shaquille O'Neal, etc. En matière de dopage, le risque existe qu'une tolérance trop marquée ne se traduise bientôt par l'utilisation massive d'adjuvants dans toutes les couches de la société. Là encore, un exemple assez tragique nous vient des Etats-Unis. Dans ce pays, le gouvernement a complètement désinvesti la lutte. Résultats : des millions d'enfants rêvent de ressembler aux superstars gonflées aux anabolisants, ce qui favorise l'expansion d'un marché clandestin de stéroïdes estimé à quelques 750 millions de dollars! Derrière la question du dopage, c'est donc un choix de société qui se pose. A une époque où il règne une pression énorme pour tenter de résoudre tous les problèmes qu'elle rencontre à grands renforts de nouvelles molécules (DHEA, Prozac, Viagra, etc), le sport SANS DOPAGE peut donner l'exemple qu'on peut aussi réaliser de grandes choses sans recours à des béquilles chimiques.

Publié par Gilles Goetghebuer, journaliste santé le 05/08/2003 - 00h00
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