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Cancer du sein et déodorant : elle court, elle court la rumeur

Publié par Dr Marc Espier & Isabelle Eustache, adapté par C. De Kock, journaliste santé le 09/03/2004 - 00h00
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Deux études suggérant une relation entre les déodorants et le risque de cancer du sein viennent d'être publiées. Qu'en penser ? Le stade de la rumeur est-il dépassé ?

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Les déodorants favorisent-ils le cancer du sein ? Telle est la question soulevée. Dans une étude menée par l'équipe du Dr Darbre sur 20 tumeurs de patientes atteintes de cancer du sein, une concentration importante de parabens (ester d'acide p-hydroxybenzoïque) a été retrouvée à l'intérieur des tumeurs. C'est la première fois que l'on dose directement ces substances dans le tissu cancéreux mammaire. En revanche, le nombre de tumeurs étudiées est particulièrement faible.

Le parabens est présent dans l'alimentation et utilisé dans de très nombreux cosmétiques, notamment comme agent anti-microbien dans les déodorants. Cette substance a également des propriétés estrogéniques et c'est pour cette raison qu'elle a été suspectée de favoriser le développement du cancer du sein. Mais si le passage du parabens à travers la barrière cutanée et sa migration jusqu'aux seins est fortement plausible, sans que l'on puisse cependant éliminer d'autre voie, reste à savoir dans quelles proportions.Gardons à l'esprit que les études épidémiologiques antérieures n'avaient pas retrouvé d'augmentation du risque liée aux déodorants en général. Certes, elles ne prenaient pas en compte la composition des produits utilisés et elles étaient sujettes à de nombreux biais.

Rappelons que la formation des cancers mammaires débute très certainement dès l'adolescence et que les estrogènes contenus dans les produits industriels (pesticides par exemple) peuvent potentiellement y jouer un rôle. Cette nouvelle étude apporte ainsi une pierre de plus à cette hypothèse, encore faut-il la confirmer.En conclusion, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, nous n'en sommes qu'au stade des spéculations.

Parallèlement, une autre étude suggère une relation entre l'utilisation de déodorant consécutif au rasage des aisselles (lequel en provoquant des micro-lésions laisserait davantage passer de produits chimiques) et le risque de développer un cancer du sein.437 femmes atteintes d'un cancer du sein ont été réparties en fonction de leurs habitudes d'hygiène corporelle (recours à un déodorant et rasage des aisselles) et de l'âge auquel le diagnostic de cancer du sein a été porté. Le Dr McGrath et son équipe constatent ainsi que les femmes qui recourent fréquemment à ces pratiques d'hygiène ont un diagnostic plus précoce de cancer du sein. Soulignons que cette analyse n'a, là encore, pas tenu compte de la composition des déodorants. De même, on ne peut que regretter l'absence de comparaison avec un groupe de femmes témoins, c'est-à-dire indemnes de cancer du sein. Rappelons également qu'en 2002, une étude similaire menée sur 1.500 femmes n'avait trouvé aucune relation de ce type.

Les données sont donc encore bien trop insuffisantes pour supposer que l'utilisation d'un déodorant risque de provoquer un cancer du sein. Même si cette relation ne peut être exclue, des études complémentaires et à grande échelle sont indispensables. De même, il faudrait comparer l'importance de ce risque à celle des principaux facteurs de risque du cancer du sein que sont l'âge et les antécédents familiaux.Abonnez-vous gratuitement à la newsletter e-santé !Site Fédération Belge contre le Cancer

Publié par Dr Marc Espier & Isabelle Eustache, adapté par C. De Kock, journaliste santé le 09/03/2004 - 00h00 Darbre P.D. et coll., Concentrations of parabens in human breast tumours, Journal of Applied Toxicology, 2004; 24: 5-13. McGrath et coll., Eur. J. Cancer Prev., 12(6) : 479-85, décembre 2003.
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