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Le premier apprentissage s'incruste

Publié par Dr Catherine Solano, adapté par C. De Kock, journaliste santé le 03/10/2006 - 00h00
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La première fois que nous apprenons un fait dans un domaine nouveau pour nous, cette connaissance installe une empreinte très forte. Nous croyons fortement ce que nous venons d'apprendre. Et puis, par la suite, si d'autres connaissances plus actuelles contestent d'anciennes croyances, nous avons du mal à les réactualiser, à cause de leur implication émotionnelle.

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Quelle est l'influence du premier apprentissage ?

En voici quelques exemples : le stérilet a longtemps été présumé coupable d'entraîner des infections utérines, sources de stérilités. Or, on sait aujourd'hui, car des études scientifiques l'ont démontré, que le taux d'infection est exactement le même qu'avec la pilule. Le risque d'infection étant en réalité corrélé au nombre de partenaires. Pourtant, certains gynécologues continuent d'affirmer que le stérilet entraîne des infections, et cela contre les preuves établies. Pourquoi ? C'est que, pendant leurs études de médecine, ils ont appris que le stérilet était la cause d'infections. Et ils ont du mal à se débarrasser de cette croyance. La raison pour laquelle il leur est difficile de changer d'avis n'est pas le manque d'information ou d'intelligence ! C'est simplement qu'ils côtoient tous les jours des femmes qui, suite à des infections, souffrent terriblement d'infertilité. Les médecins éprouvent évidemment une empathie pour leurs patientes et ressentent naturellement une peur d'induire des infections aux conséquences si terribles.

Un autre exemple :
M. B. a appris dans son enfance que la masturbation était " un vice infâme pourvoyeur de multiples maladies ". Il l'a appris dans un dictionnaire qu'il avait consulté à l'âge de 15 ans. Par la suite, il a fait des études, une belle carrière dans l'administration. Il est aujourd'hui retraité. Il sait depuis longtemps que ce qu'il avait lu à ce sujet est totalement faux ! Et pourtant… Il interroge régulièrement son médecin en lui demandant " Au fait, Docteur, vous êtes sûr que la masturbation n'entraîne pas de problèmes de santé ? Bon, je sais ce que vous allez me répondre. Mais vous savez, quand on a appris le contraire, cela vous marque… "
L'intelligence de M. B. sait très bien ce qu'il en est. Mais pas son intelligence émotionnelle !

L'implication émotionnelle

Encore un dernier exemple encore plus grave parce qu'il résulte d'une manipulation volontaire des esprits ! Les fabricants de tabac ont eu très peur des patchs à la nicotine. Quoi ! Leurs clients allaient pouvoir arrêter de fumer plus facilement, les coupant d'un profit qu'ils estimaient légitime ! Pas question de laisser faire ! Ils ont donc inventé une rumeur totalement fausse qu'ils ont fait circuler : " avec un patch, si vous fumez une seule cigarette, vous êtes en danger de mort ! " Il s'agit d'une rumeur stupide, car c'est comme si l'on vous disait " vous qui fumez un paquet de cigarettes par jour, si vous en fumez une de plus, vous êtes en danger de mort… " Seulement, les gens y ont cru… à cause de l'implication émotionnelle. La peur de la mort est un puissant stimulant ! Et c'est ainsi que les vendeurs de cigarettes ont réussi à empêcher des millions de personnes d'arrêter de fumer, qu'ils les ont tuées en leur faisant peur de mourir ! Et les tabacologues ont beau se démener à expliquer par A + B que cette rumeur est fausse… personne (ou presque) ne les croit. On préfère croire des vendeurs de mort que des médecins qui se dévouent pour le bien de tous !

Finalement que peut-on en déduire ? C'est que la connaissance scientifique dépend beaucoup de nos émotions, peut-être encore plus que de nos connaissances brutes. Nous nous laissons influencer par nos émotions, et cela d'autant plus qu'elles ont été associées à une première information. Notre objectivité n'est qu'un leurre. C'est pourquoi, quand nous croyons dur comme fer quelque chose, il serait bon de nous poser une question : " Quels souvenirs m'influencent ? Quelles émotions m'influencent ? " Et cela simplement pour essayer d'augmenter notre objectivité.

Publié par Dr Catherine Solano, adapté par C. De Kock, journaliste santé le 03/10/2006 - 00h00
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